Comment accompagner les salariés vers des comportements plus écologiques ? Le baromètre de l'ADEME sur la "sobriété des Français" sous l'angle de la psychologie sociale.

En mars 2024, l’ADEME publiait son rapport intitulé Pratiques, représentations et aspirations des Français en matière de sobriété, l’occasion pour nous de l’analyser au regard de la psychologie et surtout d’en tirer des conclusions sur la manière d’encourager les individus à agir en faveur de l’environnement.

Que dit l'enquête de l'ADEME sur "la sobriété des français" ?

Cette enquête réalisée auprès de 4.000 personnes donne matière à penser et surtout à s’interroger sur la perception qu’ont les français de la sobriété écologique et de leurs propres comportements. Selon l’ADEME, « la sobriété consiste à nous questionner sur nos besoins et à les satisfaire en limitant leurs impacts sur l’environnement ». Pour donner quelques chiffres : 82% des répondants estiment que leur mode de vie est déjà sobre, mais 83% d’entre eux considèrent que les français consomment trop. Autrement dit, à titre personnel, les répondants pensent que le problème, ce n’est pas leur propre consommation mais celle des autres. Pour autant, parmi les personnes ayant dit posséder deux voitures, seules 46% d’entre-elles disent pouvoir envisager de n’en avoir qu’une seule et parmi celles mangeant de la viande plusieurs fois par semaine, 61% se disent opposées à l’idée de diminuer leur consommation à deux fois par semaine. On constate par ailleurs que 77% des répondants pensent que les français agissent pour limiter leur impact écologique et qu’à contrario, 49% d’entre eux considèrent que l’Etat agit efficacement pour résoudre les problèmes écologiques.

Comment comprendre les contradictions des français sur les questions écologiques ?

En psychologie sociale, différentes théories permettent de comprendre le rapport qu’entretiennent les individus à l’écologie et surtout de les inciter à adopter davantage de comportements pro-écologiques.

Si l’on se réfère au modèle d’activation par les normes morales1, pour qu’un individu agisse en faveur de l’environnement, il faudrait qu’il en ressente un sentiment d’obligation morale, c’est-à-dire que sa morale lui dicte ce comportement. Mais pour ce faire, il faudrait déjà qu’il ait conscience que le problème écologique existe, qu’il se sente personnellement responsable de ce problème, que les actions qu’on lui propose de mettre en place soient efficaces à ses yeux et qu’il ait la capacité matérielle de les mettre en place.

En reprenant les chiffres précédemment évoqués, on constate que les français ont effectivement conscience du problème écologique puisqu’ils considèrent que nous consommons trop. En revanche, en répondant en majorité que leur mode de vie à titre individuel est déjà sobre, ils montrent ne pas se sentir personnellement responsables des conséquences. De même, étant donné que la majorité d’entre eux estime que les citoyens agissent pour limiter leur impact mais que ce n’est pas le cas de l’Etat, les français jugent leurs propres actions comme étant inefficaces et reportent leur responsabilité sur l’Etat. Enfin, lorsqu’on évoque la possibilité de diminuer le nombre de voitures par foyer, cette solution se heurte à un problème de transports alternatifs qui ne le permettent pas ou à la perception que ce mode de transport est plus rapide et plus pratique. En somme, ils n’ont pas la capacité matérielle de mettre en place ces actions écologiques.

Sur les 4 paramètres que nous avons évoqués, 3 semblent donc poser problème pour insuffler un comportement écologique chez les français. D’accord, mais comment expliquer le fait que 82% des français pensent que leur mode de vie est déjà sobre, et que 73% d’entre eux estiment que leurs habitudes de consommation sont inférieures à celle des français mais qu’en même temps, 61% des français qui mangent de la viande plusieurs fois par semaine refuse catégoriquement de la diminuer à 2 fois par semaine ? Pour faire simple, comment expliquer que les Français se perçoivent comme écolos, mais refusent d’adopter des comportements pro-écologiques ?

La question écologique est complexe et nos modes de vie nous laissent peu de temps pour la penser

Un souci inhérent aux questions écologiques est bien évidemment leur complexité. L’atelier de la Fresque du Climat le montre très bien, puisque chaque évènement écologique est interrelié avec d’autres et possède plusieurs causes et plusieurs conséquences. Lorsque nous prenons connaissance de ces informations, nous les incorporons à des représentations déjà préexistantes dans notre cerveau et elles vont ainsi être sujettes à des distorsions. Ces distorsions sont notamment liées à nos capacités mnésiques limitées qui nous imposent de sélectionner des informations qui font écho à d’autres que nous connaissons déjà.

Mais il ne s’agit pas là de la seule explication, puisqu’avec du temps, nous pourrions tout à fait assimiler et apprendre davantage sur les enjeux écologiques. Nos modes de vie laissent aujourd’hui peu de place à la réflexion autour de ces enjeux et surtout peu de place à l’action. C’est d’ailleurs une observation que l’on peut simplement faire à la lecture du rapport de l’ADEME, puisque les répondants utilisent la voiture notamment pour des questions de gain de temps. Avec un mode de vie différent, peut-être auraient-ils plus de temps pour utiliser un moyen de transport certes plus chronophage mais aussi plus écologique ?2

Notre cerveau déteste l’incohérence et a beaucoup d’amour-propre

Pour expliquer l’inconsistance des français entre la façon dont ils se perçoivent et leurs actes, il nous faut également passer par un concept important en psychologie : l’estime de soi. Il s’agit de la façon dont chacun s’évalue sur ses perceptions et ses connaissances de soi-même3. En somme, c’est la manière dont chacun se perçoit. Nous aimons tous nous voir comme « quelqu’un de bien », qui agit de manière positive, et notamment en ce qui concerne l’écologie. Nous avons également besoin que cette évaluation reste consistante avec nos actes, c’est ce qu’on appelle la consistance du soi. Pour ce faire, nous pouvons simplement choisir d’agir en cohérence avec cette estime que nous avons de nous-même et multiplier les actions en faveur de l’écologie. Nous pouvons aussi baisser nos standards concernant notre manière d’agir de façon pro-écologique et estimer ainsi que l’on en fait « bien assez », ce qui semble ressortir dans le rapport de l’ADEME. Nous pouvons aussi attribuer des causes externes à cette non-action et ainsi évoquer le rôle de l’Etat, un manque de temps ou d’infrastructures.

Mais alors, quelles solutions peut-on apporter dans les entreprises pour dépasser ces barrières ?

Dans l’entreprise, comment mobiliser davantage les salarié.e.s dans la transition écologique ?

Les chiffres du rapport de l’ADEME peuvent interpeller, mais ne sont pas figés puisqu’ils donnent des directions vers lesquelles travailler. OASIS Environnement œuvre depuis 7 ans auprès des entreprises du Grand Ouest et leurs salariés en mobilisant des groupes de salariés volontaires « Eco’acteurs-trices » pour accélérer la transition écologique de leur entreprise. En créant ces collectifs d’Eco’acteurs.trices, des salariés deviennent personnellement et surtout collectivement responsables de la question écologique au sein de leur entreprise et peuvent mettre en place des actions réellement efficaces. Loin de mettre les salariés face à leurs contradictions écologiques, l’objectif est de travailler avec eux sur comment aller plus loin et essaimer la démarche auprès de leurs collègues. Dans le même temps, OASIS veille à ce que les entreprises donnent les moyens à leurs salariés d’être plus écologique, par exemple en investissant dans des outils numériques pour réduire l’usage du papier, proposant des alternatives au plastique jetable du midi ou une politique d’achat plus éco responsable. Avec du temps dédié à la réflexion écologique pour les salariés et un budget fléché pour l’environnement, les collectifs d’écoacteurs.trices gagnent en efficacité et mobilisent l’ensemble de leurs collègues.  

Les problématiques environnementales de votre entreprise vous questionnent et vous souhaitez aller plus loin dans la transition écologique ? N’hésitez pas à nous contacter !

Cédric THIERS, Psychologue Social, partenaire OASIS Environnement
Sources : Pour lire le rapport complet de l’ADEME : https://librairie.ademe.fr/changement-climatique-et-energie/6630-barometre-sobrietes-et-modes-de-vie.html 1 Schwartz, S. H. (1977). Normative influences on altruism. In L. Berkowitz (Ed.), Advances in experimental social psychology (Vol. 10, pp. 221 – 279). New York: Academic Press. 2 Pruneau, D., Demers, M., & Khattabi, A. (2008). Éduquer et communiquer en matière de changements climatiques: défis et possibilités. VertigO-la revue électronique en sciences de l'environnement, 8(2).