Des "Green Nudges" dans les entreprises : un coup de pouce pour l'environnement !

OASIS Environnement, soutenue par l’ADEME Pays de loire, lance une nouvelle série de nudges en test dans une dizaine d’entreprises nantaises ! L’association cherche à élargir les approches de sensibilisation à l’écologie par l’utilisation de dispositifs innovants.

C'est quoi un Nudge ?

L’histoire commence par une simple mouche, collée au fond des urinoirs de l’aéroport d’Amsterdam sur la décision des autorités. Voyant les coûts importants liés au nettoyage des sanitaires, ces dernières décidèrent de tester une stratégie nouvelle, sous forme de jeu, afin d’inciter les usagers à mieux viser devant l’urinoir. Résultats des courses, cela a permis de diminuer de 80% les éclaboussures, et a donc réduit de 8% les coûts de nettoyage (Thaler & Sunstein, 2008).

Depuis, le « nudge », ou « coup de pouce » en français s’est peu à peu démocratisé et fut notamment utilisé par l’ancien Premier Ministre David Cameron et l’ancien Président Barack Obama en 2010 et 2013 dans le cadre de leurs politiques publiques. Cette technique fut notamment utilisée afin de lutter contre l’obésité, favoriser le recyclage, ou encore réguler la consommation d’énergie.

Mais alors qu’est-ce qu’un nudge concrètement ? Il s’agit de petites incitations douces qui aident par exemple à adopter un comportement plus vertueux pour la santé ou l’environnement. L’approche nudge utilise les sciences comportementales pour trouver des leviers persuasifs et incitatifs afin de changer ces comportements.

Quelles sont les preuves de leur efficacité ?

Aux Etats-Unis, l’obésité revêt d’un enjeu de santé publique. En effet, son taux est passé de 13% en 1985 à plus de 30% aujourd’hui. Pour tenter d’endiguer le phénomène, des nudges ont été testés. Leur principe était simple : réduire la taille des contenants du simple au double, puis mesurer la consommation d’aliments. Il s’avère alors que les participants ayant mangé dans une plus petite assiette avaient diminué leur consommation de près de 29% (Wansink, 1996). Cela va sans dire que ce genre de méthode permet non seulement de lutter contre l’obésité, mais également de réduire le gaspillage alimentaire.

D’autres études ont également prouvé l’efficacité des nudges dans le cadre de politiques sanitaires en utilisant par exemple les théories de l’engagement pour inciter à la vaccination contre la grippe, ce qui a permis d’augmenter le taux de vaccination de 4,2% (Milkman, 2011). D’autres cherchaient à éviter la surconsommation de chips en en intégrant une de couleur différente toutes les 5 chips consommées afin de créer des points de décisions permettant ainsi de réduire leur consommation de près de 50% (Geier, 2012).

Quels impacts pour l'environnement ?

 

Les nudges s’avèrent également être des outils efficaces dans la lutte pour l’adoption de comportements en faveur de l’environnement. Ainsi, par exemple, le simple fait de changer les paramètres des imprimantes dans les entreprises en mettant l’option d’impression recto-verso par défaut, a permis de diminuer la consommation de papier de 15% (Egebark & Ekström, 2016). Cette étude nous prouve donc que notre cerveau fonctionne à l’économie et qu’il préfère la facilité la plupart du temps.

Une autre recherche qui concernait cette fois les comportements de recyclage des déchets, a permis d’établir que l’approche « nudge » permettait d’augmenter de 19% ces comportements (Schultz, 1999). Ce nudge consistait à donner régulièrement des feedbacks aux individus sur la quantité de déchets qu’ils avaient permis de recycler, mais aussi un feedback sur la quantité de déchets recyclés par les autres habitants du quartier. On observe alors que la comparaison sociale peut également fonctionner en tant que levier d’action pour l’adoption de comportements pro-écologiques.

Comment ça fonctionne ?

Quels sont les dessous psychologiques qui permettent de comprendre l’efficacité des nudges ? Selon D. Kahneman, prix Nobel de l’économie en 2002, notre cerveau fonctionnerait selon deux systèmes distincts pour prendre des décisions. Le premier système (Système 1) serait intuitif, rapide, réflexe et avare d’efforts mais par conséquent très sensible aux biais cognitifs. Ce serait pourtant celui que nous utiliserions le plus pour prendre des décisions. Le second système (Système 2), quant à lui, se veut plus rationnel et réfléchi, mais également plus lent, c’est pour cela que dans notre vie quotidienne, nous l’utilisons moins. Le nudge repose alors sur l’exploitation des biais cognitifs inhérents au Système 1. E. Singler (2015) les a répertoriés selon 9 catégories : le choix par défaut (qui, comme nous l’avons vu, peut être utile pour diminuer la consommation de papier à l’impression), le recours aux normes sociales (notamment par le biais de la comparaison sociale), la saillance, le retour d’informations (feedback), les théories de l’engagement (comme dans le cas de la vaccination), l’utilisation de micro-incitations et de récompenses, l’effet de cadrage des informations, la création de points de décisions et la facilité. C’est donc en exploitant un, ou plusieurs de ces biais que le nudge trouve son efficacité.

Quelles questions éthiques cela pose-t-il ?

Un tel outil pose nécessairement des questions éthiques. En effet, que penser d’un dispositif qui cherche à manipuler les biais inconscients des individus afin de leur faire adopter certains comportements ? Thaler et Sunstein, respectivement économiste et professeur de droit, mais aussi fervents défenseurs de l’approche par les nudges, proposent de les catégoriser dans la théorie du « paternalisme libertarien ». Ils justifient leur intérêt en expliquant que « dans de nombreux cas, les individus prennent d’assez mauvaises décisions, qu’ils n’auraient pas prises s’ils y avaient consacré toute leur attention, s’ils avaient possédé une information complète, des aptitudes cognitives illimitées et une totale maîtrise de soi » (Thaler & Sunstein, 2008). Ils rejettent ainsi l’idée d’un individu purement et totalement rationnel dans ses prises de décisions et se placent plutôt dans un point de vue où il possède des ressources cognitives limitées et où le nudge permet de l’orienter vers le comportement le plus vertueux à adopter.

Quelles sont les limites de l'approche ?

Bien évidemment, un tel outil, d’apparence aussi simple à mettre en place (dans la plupart des cas) comporte des limites en termes d’efficacité. Lorsque l’on s’intéresse à ce champ d’étude, force est de constater qu’une partie d’entre eux s’est finalement avéré infructueux et n’a pas pu entrainer de changements de comportements spécifiques. Pour autant, il est estimé à environ 21% le taux de changement de comportement pour les nudges ayant fonctionné, ce qui reste un pourcentage largement honorable (Hummel, 2019).

C’est avec ces éléments en tête que E. Singler (2015) propose un certain nombre de préconisations en accompagnement du nudge afin de s’assurer de sa performance. Selon lui, il reste ainsi essentiel de l’associer à des ateliers de sensibilisation et d’information, mais aussi à des incitations économiques et à des légiférations interdisant certains comportements néfastes. Ainsi, les nudges doivent intervenir en complément d’autres actions, sans s’y substituer, mais restent néanmoins de très bons outils à mettre en place et disposant d’un certain impact sur les individus.

Le projet vous intéresse et vous avez envie de résoudre une problématique environnementale dans votre entreprise ? (erreurs de tri des déchets recyclables, gaspillage de papier essuie-main dans les toilettes, surconsommation de gobelets jetables, surconsommation de papier à l’impression, gaspillage alimentaire, veilleuses des écrans restant allumées…) N’hésitez pas à nous contacter : contact@oasis-environnement.org !

Ce projet a été soutenu par notre partenaire ADEME Pays de la Loire

Sources

Egebark, J., & Ekström, M. (2016). Can indifference make the world greener ?  Journal of Environmental Economics and Management, 76, 1-13.

Geier, A., Wansink, B., & Rozin, P. (2012). Red potato chips: segmentation cues can substantially decrease food intake. Health psychology, 31(3), 398.

Hummel, D., & Maedche, A. (2019). How effective is nudging? A quantitative review on the effect sizes and limits of empirical nudging studies. Journal of Behavioral and Experimental Economics, 80, 47-58.

Kahneman, D. (2003). A perspective on judgment and choice: mapping bounded rationality. American psychologist, 58(9), 697.

Milkman, K. L., Beshears, J., Choi, J. J., Laibson, D., & Madrian, B. C. (2011). Using implementation intentions prompts to enhance influenza vaccination rates. Proceedings of the National Academy of Sciences, 108(26), 10415-10420.

Schultz, P. W. (1999). Changing behavior with normative feedback interventions: A field experiment on curbside recycling. Basic and applied social psychology, 21(1), 25-36.

Singler, E. (2015). Green Nudge: Changer les comportements pour sauver la planète. Pearson.

Thaler R.H, Sunstein C.R. (2008), Nudge: Improving decisions about health, wealth and happiness, Yale University Press.

Wansink, B. (1996). Can package size accelerate usage volume?. Journal of marketing, 60(3), 1-14.