Vers un numérique sobre et responsable

« Le numérique n’est ni bon ni mauvais. Comme tout progrès, il sera ce que les hommes en feront : le pire ou le meilleur »

Frédérique Bordage [Sobriété numérique, les clés pour agir]

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La planète compte aujourd’hui 34 milliards d’appareils numériques et 4.6 milliards d’utilisateurs. Le nombre d’équipements croit de façon exponentielle et le nombre d’utilisateurs ne cesse d’augmenter. Chaque appareil nécessite d’extraire de grandes quantités de ressources naturelles pour sa production, et de l’énergie pour son usage. Des pénuries de minerais sont annoncées dans les années à venir et les systèmes sont de plus en plus complexes et énergivores, ce qui pose question sur notre façon de consommer et l’avenir du numérique. Ne pourrions-nous pas envisager des pratiques plus sobres pour conserver les besoins primordiaux du numérique et se passer du superflu ?

La face cachée du numérique

Faire un « like » sur Facebook, visionner une vidéo sur YouTube, stocker 500 photos de vacances sur un cloud, cela parait très dématérialisé, et pourtant… nombreux sont les réseaux et infrastructures physiques qui quadrillent notre planète pour notre usage numérique.

On recense 3 grandes catégories d’équipements :

  • les centres de données ou data centers
  • les réseaux
  • les terminaux (appareils destinés à l’usage)
Les centres de données ou data centers

Au niveau mondial, on dénombre 3 millions de Data Centers dont 10 000 de très grandes tailles, allant de dix à cent mille mètres carrés. Le dernier data center construit à Paris est d’une superficie de 40 000 m2, soit l’équivalent de 5 stades de football. Le plus gros data center du monde mesure 600 000 m2 (Chine). Ces grands centres de données consomment 2% de l’énergie mondiale. 

 

Les réseaux

Dans nos océans, il existe plus de 450 câbles sous-marins qui représentent 1.2 millions de kilomètres, et déjà plus de 1 millions de kilomètres de câbles qui sont obsolètes et sont abandonnés au fond des océans. Contrairement aux idées reçues, 99% du numérique passe par des câbles physiques, très peu de données transitent par satellite.

Il existe deux types de réseaux :

  • Le réseau fixe : ADSL et fibre
  • Le réseau mobile : 3G/4G/5G
Les terminaux

Les terminaux sont les appareils numériques destinés à l’usage tels que les téléphones portables, ordinateurs, consoles de jeux, TV, montre connectée, voiture connectée, etc. Un français possède 15 équipements connectés en moyenne et ce nombre est en très forte augmentation avec de nombreuses innovations technologiques. De plus la durée de vie des équipements est de plus en plus courte, par exemple, un smartphone en France à une durée de vie de 23 mois et pourtant dans 88% des cas, il fonctionne encore.

Les impacts liés à la fabrication

Pour construire les centres de données, les réseaux et les terminaux, de grandes quantités de matières premières sont prélevées dans la nature, notamment les métaux dans les mines. L’industrie minière est le plus gros générateur de déchets au monde, consomme environ 10% de l’énergie mondiale (sachant que 80% de la dépense énergétique est liée au broyage) et émet 4 à 7 % de Gaz à Effet de Serre. Plus de 20% des conflits environnementaux proviennent du secteur minier. L’extraction des minerais engendre également d’autres impacts environnementaux notamment les pollutions de l’eau, sol, air et la destruction de la biodiversité.

Voici quelques exemples de quantités de matières premières nécessaires pour fabriquer des composants ou terminaux pour le numérique :

  • Pour fabriquer un smartphone de 200g, il faut environ 200kg de matières premières
  • La fabrication d’un circuit intégré de 2g nécessite une extraction de 32kg de matière (soit un facteur 16 000)
 

La fabrication du matériel informatique, des équipements et des infrastructures est responsable de 4,2% des émissions de gaz à effet de serre et de 4,4% de consommation d’énergie primaire à l’échelle mondiale. 78% de l’empreinte carbone d’un PC est liée à sa fabrication, 22% à son usage

En fin de vie, les appareils numériques constituent des Déchets d’Equipement Electriques et Electroniques (D3E) et peuvent être réemployés ou recyclés. En 2015, 153 000 tonnes de D3E pour la télécommunication ont été mis sur le marché en France et près de 40% ne sont pas recyclés.

Les impacts liés à l'usage

Les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) accélèrent notre besoin d’avoir toujours plus d’informations et dans un temps quasi instantané. Outre l’impact environnemental du numérique lié à l’extraction minière et à la fabrication, son usage nécessite :

  • Toujours plus d’énergie avec une consommation électrique qui augmente de +10% par an ; à l’échelle nationale, l’usage du numérique représente 10% de la consommation électrique.
  • Toujours plus d’espace de stockage pour les applications, les logiciels et les sites web. Par exemple, un site web aujourd’hui consomme 115 fois plus de données qu’il y a 20 ans.
  • Toujours plus de nouveaux matériels avec une obsolescence logicielle ou marketing qui contraint à changer de plus en plus rapidement les équipements.
 
La vidéo est l’usage qui a le plus d’impact,
elle représente 80 % des flux de données numériques.

Mais les impacts observés ne sont pas seulement d’ordres environnementaux. En effet, les impacts sont également sur :

  • la santé psychologique des utilisateurs avec des risques d’addiction, de dépression et de sociabilité (en 2025, un individu effectuera en moyenne      5 000 interactions numériques par jour).
  • la santé physique notamment avec les ondes électromagnétiques possiblement cancérigènes
  • la sauvegarde de la vie privée (70% des données mondiales transitent par la Silicon Valley en Californie)
  • la « fracture numérique » qui s’accélère avec des populations n’ayant pas accès à la connaissance numérique ni le budget pour acquérir ces outils numériques.

Des accélérateurs augmentent la fréquence de renouvellement de nos appareils et notre consommation d’énergie :

  • l’obsolescence (technique, logicielle, esthétique)
  • la non utilisation du matériel encore fonctionnel
  • l’effet rebond (plus les machines sont puissantes plus on  consomme d’énergie)
  • le M2M (machine to machine) qui représente 50% des connexions web

Et pourtant, des solutions simples existent

Prolonger la durée de vie de ses appareils et acheter responsable

  • Prendre soin de son matériel (entretien régulier, housse de protection…)
  • Plutôt que d’acheter un nouveau matériel, pensez à upgrader vos équipements
  • Privilégier le matériel d’occasion / reconditionné avant d’acheter du neuf
  • Pour l’achat de matériel neuf, privilégiez les matériels avec un label environnemental (TCO, ou à défaut EPEAT GOLD)
  • Pour la fin de vie de votre matériel, pensez au don, au troc ou à la revente d’occasion et en dernier recours au recyclage

Réduire la quantité des données

  • Utiliser le réseau ADSL ou fibre plutôt que la 4G/5G
  • Diminuer la résolution des vidéos (720 dpi ou 460 dpi plutôt que la lecture en HD)
  • Désactiver ses notifications push et les actualisations en arrière-plan sur son téléphone
 

De nouvelles pratiques Web

  • Enregistrer les sites les plus visités dans les favoris
  • Refermer ses onglets web une fois consultés
  • Utiliser un moteur de recherche alternatif (Ekoolos, Veosearch ou Planete.Way.2.Be, Qwant, Lilo, Ecosia, Duck-Duck-GO, Ekoru). Même si cela ne réduit pas l’impact environnemental, ces moteurs de recherche suivent une approche environnementale en reversant les sommes collectées grâces aux contenus publicitaires à des projets associatifs de développement durables ou une approche de respect de la vie privée (ex : Qwant). 
 

Limiter les mails

  • Envoyer moins de courriels
  • Limiter le nombre de destinataires
  • Se désabonner des newsletters qui ne sont pas lues
  • Privilégier les dossiers partagés avec ses collègues plutôt que l’envoi de fichier
  • Utiliser des outils de transfert pour les pièces jointes volumineuses (ex : filevert, Swiss transfer ?)
 

Un stockage efficient des données

  • Privilégier le stockage sur disque dur plutôt que sur le cloud
  • Archiver régulièrement sa boîte mail
  • Trier régulièrement ses photos et ses vidéos
  • Vider régulièrement ses fichiers temporaires et son historique

Bien que le numérique soit un bel outil pour communiquer, il n’en demeure pas moins très impactant sur nos modes de vie et sur l’environnement. Notre défi pour les prochaines années est de taille, dompter l’usage du numérique pour qu’il préserve l’environnement et apporte à nos sociétés un véritable progrès.

Pour aller plus loin

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Sources :

« Sobriété numérique » –  Férdérique Bordage

« Vers un numérique respnsable » – Vincent Courboulay

« La face cachée du numérique » – ADEME

The Shift project

Interview Aurore Stephan – Thinkerview

Green IT

Kit de l’Ambassadeur, l’Ambassadrice, Numérique Responsable – Mon atelier Ecofrugal